Depuis plusieurs années il semblerait que le monde de la petite enfance bouge. Là où, dans les pratiques, tout semblait figé depuis bon nombre d’années, la réinvention s’opère doucement par de la remise en question et surtout l’ouverture d’esprit.
Mais ce que je constate bien souvent, c’est que le regard n’est fixé que sur l’offre proposée aux familles et aux enfants, ce qui est une chose très importante, mais un élément essentiel est à mon sens bien trop souvent oublié, c’est quels moyens nous donnons-nous pour y arriver ?
Le mot management est très peu utilisé dans le secteur sanitaire et social. Il est bien souvent cru à tord, que ce terme est réservé aux entreprises générant du chiffre et vendant des produits. C’est une erreur, il y a management partout où il y a de la gestion d’Hommes.
DES PROFESSIONNELS DE LA PETITE ENFANCE EN SOUFFRANCE
C’est peut être un titre qui fait peur, un peu alarmiste certains diront, mais pourtant si vrai.
A l’heure où le regard est attiré, plus que jamais (et ENFIN !), sur le personnel soignant, qui pourtant hurlait sa souffrance depuis des années et des années, mais qu’il aura fallut attendre un drame pour s’y intéresser, j’ai envie d’attirer l’attention sur le personnel qui accueil chaque jour nos tous petits, VOS tous petits, ceux qui œuvrent pour contribuer à la construction des adultes de demain, ceux qui font chaque jour preuve de patience, de douceur, d’empathie et bien souvent de sacrifices, ceux sans qui la France ne tournerait plus bien rond…. Les professionnels de l’enfance.
Avant le confinement plusieurs manifestations ont eu lieux. Des collectifs ont tenté de crier la souffrance des professionnels et luttent pour obtenir des conditions de travail et d’accueil dignes de ce nom.
Mais ce sont des professionnels encore timides, habitués, accoutumés à des conditions de travail difficiles, car malheureusement aujourd’hui la difficulté est devenue la norme et qui n’osent finalement pas revendiquer clairement leurs besoins, et assumer et affirmer qu’ils valent bien plus que cela en refusant les conditions qui leurs sont offertes (tu parles d’un cadeau !).
POURQUOI UNE TELLE SOUFFRANCE ?
Et bien « tout simplement » car les conditions de travail ne sont pas acceptables.
Quand je parle de conditions de travail je parle notamment, de taux d’encadrement : 1 pour 5 bébés non marcheurs, 1 pour 8 enfants qui marchent.
Une personne pour 5 bébés… C’est bien là qu’on se dit qu’on marche sur la tête quand même. Vous vous imaginez vous avec 5 bébés, 5 tous petits qui ont besoin d’être portés, bercés, dorlotés, changés, nourris, observés ? Et vous vous imaginez avec 8 explorateurs, qui ne demandent qu’à expérimenter leurs nouvelles acquisitions, grimper, marcher…
Afin de finir la journée indemne en ayant satisfait les besoins de chacun des enfants, sans finir sur les rotules, cela relève des compétences de super héros et donc du miracle.
Ce taux d’encadrement c’est le taux minimum établi par le ministère, mais cela ne veut pas dire que nous sommes obligés de nous en contenter
Quand je parle de conditions de travail je parle également de plannings, d’horaires, matin, après midi, journée, coupées et hop quand on a fini la boucle on recommence. Pas le temps de s’y habituer, on ne sait plus où on habite et notre corps nous dit au secours !!
Je parle également de semaines de congés imposées en lien avec les périodes de fermeture, je parle de manque de personnel car tout le monde est épuisé, je parle de turn over et de la contrainte de sans cesse devoir travailler avec des collègues que l’on ne connait pas et que les enfants ne connaissent pas.
Je parle aussi de normes d’hygiènes drastiques (et merci le COVID d’en rajouter encore 2/3 couches de plus), qui nous contraignent à passer beaucoup de temps, à laver, désinfecter, surveiller, contrôler etc etc… au lieu d’avoir du temps auprès des enfants.
Les conditions de travail c’est également ne pas donner de place aux salariés, à ces équipes sans qui rien ne serait possible, c’est de ne pas leur offrir d’espace de pause, de lieu ressource, c’est leur imposer des pauses de travail de 30 min pour avaler leur repas et repartir plus en forme que jamais !
Les professionnels souffrent physiquement mais également psychologiquement car la chose essentielle, indispensable et capitale, qui leur manque c’est la reconnaissance !
Celle qui permet de dire merci, de valoriser par des mots, par des actes, celle qui dit « Bonjour Marie (si biensur elle s’appelle Marie 😉), cette reconnaissance qui dit bravo pour une réussite, celle qui vous traite humainement et celle qui reconnait les difficultés et les prend en considérations.
MEILLEURES CONDITIONS DE TRAVAIL = MEILLEURE OFFRE AUX FAMILLES
Faire évoluer un projet pédagogique pour accompagner les enfants et les familles toujours un peu mieux, c’est super ! C’est même essentiel. Mais oublier de faire évoluer les moyens pour atteindre ces nouveaux objectifs c’est carrément moins super !
Proposer des formations continues, des interventions en structures sur des thématiques qui remettent en question les pratiques, ça aussi c’est super, mais ne pas rendre possible la mise en place de ces nouveaux acquis au quotidien, c’est carrément moche…
Repenser le projet pédagogique en comité de réflexion, avec des spécialistes de l’enfance, c’est hyper intéressant, mais oublier d’y intégrer les premières personnes concernées par ces pratiques c’est complètement absurde.
Alors oui il faut repenser les pratiques, oui il faut réfléchir à nos actions, à nos positionnements, au sens que nous donnons à nos choix, à l’objectif donné par l’institution, réfléchir à notre axe principal mais pas à n’importe quel prix !
Pourquoi ce qui est la plus grande richesse des institutions de crèches et d’accueil du jeune enfant, ceux sans qui (je le répète) rien ne serait possible, ceux qui œuvrent au quotidien, ceux qui SONT nos entreprises et nos établissements, ceux qui en un claquement de doigt peuvent tout faire chavirer ou sublimer, pourquoi sont-ils oubliés ?
Pourquoi ne sont-ils pas chouchoutés comme nous prônons le faire avec les enfants et les familles que nous accueillons ?
Le bien être de l’être humain doit être la fin ultime du développement
Programme des nations unies pour le développement
LE MANAGEMENT DURABLE COMME LEVIER DE PERFORMANCE
Parler de performance en petite enfance c’est plutôt original, improbable et certains pourraient même dire déplacé.
Mais je n’ai pas choisi ce mot là au hasard.
Performer c’est donner le meilleur de soi, c’est obtenir le meilleur et atteindre un objectif.
Ouvrir un établissement d’accueil du jeune enfant n’a-t-il pas un objectif ? N’attendons-nous pas un résultat ?
Evidemment que si ! Le résultat de voir s’épanouir des enfants et leurs familles, le résultat d’apporter la satisfaction à nos usagers.
Pour certains gestionnaires le résultat recherché est celui de pouvoir se payer de belles vacances, c’est parfois, même souvent, une idée qui dérange, mais si ces vacances ne se font pas sur le dos de sacrifices humains, pourquoi ne finalement pas dire tant mieux ?
Le résultat c’est aussi la satisfaction de rendre nos salariés épanouis.
C’est bien là la clé, l’épanouissement des professionnels, car on ne le dit pas assez : Salariés épanouis = enfants bien accueillis.
Nous vivons actuellement dans une société du jetable et du consommable. Nous consommons et jetons les professionnels comme nous le faisons avec nos serviettes papiers usagés et nos gobelets en plastique. Nous en avons aujourd’hui bien conscience, ce ne sont pas des actions durables. Mais nous traversons également une ère qui attire le regard sur le bien être collaborateurs.
S’inscrire dans une démarche durable c’est mettre en place AUJOURD’HUI des actions, des fonctionnements qui porteront leurs fruits demain, après demain et encore après après demain.
C’est valoriser ses salariés et leur donner le pouvoir d’agir, de penser, de se réinventer et de se mobiliser. C’est faire confiance à leurs ressources et générer une force endogène.
Le management durable se décline sous plusieurs formes (participatif, collaboratif, cellulaire, adaptatif…) mais le point commun de chaque version est que l’humain reste au cœur des regards, que l’humain reste la préoccupation ultime et que l’action et le sens sont donné par et pour l’humain.
Le management durable c’est, en tant que manager, être le phare du navire que nous avons construit. Celui qui indique la direction, le chemin, celui qui rassure quand la tempête est là, celui qui recentre quand on a l’impression de s’égarer.
Les professionnels de l’enfance sont les phares des enfants, leur référence, soyez le phare de vos professionnels, éclairant et soutenant.
Le Management Durable considère le bien-être des êtres humains comme le moyen et la finalité du développement durable.
Le Management Durable complète le management exogène traditionnel : autour de l’homme, en proposant un management endogène : pour et par l’homme.
Chair du management durable
COMPOSER SON « PHARE »
Comme je le disais plus haut, être manager c’est être le phare de son équipe, donner le sens et accompagner. Mais faut-il encore connaitre le sens que l’on souhaite donner.
C’est à mon sens, la base du travail de tout projet. Connaitre la direction que l’on souhaite donner. Pas la direction financière, mais la direction humaine. Quel est notre objectif et comment y parvenir.
Travailler ses valeurs, pour qu’elles deviennent la proposition de service qui en découle.
Alors soyez leur phare, éclairez leur chemin, soyez leur repère pour qu’ils ne s’égarent pas.
COMPOSER LES EQUIPES DE COMPÉTENCES HUMAINES ET NON DE DIPLÔMES
La réglementation oblige les gestionnaires de crèches (publiques et privées) à recruter du personnel qualifié et diplômé.
Ceci est gage de sécurité et tant mieux, mais à mon sens, cela à engrainer des phénomènes mécaniques de recrutements de diplômes au détriment de qualités humaines.
Je m’explique : la pénurie de professionnels diplômés a orienté le regard des gestionnaires vers le seul objectif TROUVER LES DIPLÔMES NÉCESSAIRES pour rentrer dans les clous réglementaires.
Mais sous un même diplôme se cachent autant d’approches et de compétences, qu’il y a de personnes différentes.
J’invite donc les gestionnaires, les directeurs/directrices, les recruteurs à repenser leur façon de recruter et à inviter les professionnels à se dévoiler, à dévoiler leur singularité, leur potentiel, leur authenticité, leur sensibilité, tout simplement leur personnalité, car c’est bien là et nulle part ailleurs que se logent les pépites. Car c’est bien avec tout ça que les professionnels viendront chaque jour remplir leurs missions et travailler avec la personnalité des autres.
Aborder le recrutement sous cet angle permettra de lever le voile sur des personnalités atypiques, riches de valeurs, de découvrir des joyaux mais également de devancer des problèmes d’incompatibilités d’humeurs, de valeurs et de personnalités.
Les gens n’achètent pas CE QUE vous faites, ils achètent le POUR QUOI de ce que vous faites. Et ce que vous faites prouve simplement ce en quoi vous croyez.
Simon Sinek
Prenez soin de celles et ceux qui représentent votre entreprise, votre établissement. Prenez soin de ceux sans qui vous ne seriez rien (je parle de votre entreprise) et qui ont le pouvoir de tout faire changer.
Et prenez soin de vous pour que vous soyez aligné avec vos besoins, vos ressentis et vos valeurs et ne pas laisser votre égo driver vos positionnements et vos actions.
Prenez soin de VOUS tous, pour que le monde se réinvente durablement.